UNIPHARMA,
un acteur majeur de la distribution pharmaceutique
en Nouvelle-Calédonie

Actualité

La répartition pharmaceutique ne s’improvise pas…
Masques : après la débâcle des stocks, les errements de la livraison

A la suite de la promesse présidentielle de livrer des masques aux soignants, le ministère de la Santé a confié à Geodis l'approvisionnement des pharmacies, qui fournissent les professionnels de santé non hospitaliers. Avec pour résultat des retards de livraison.

Au désastre du manque de masques, s’ajoutent maintenant les ratés du flux de distribution. Selon nos informations, des centaines de pharmacies ont reçu avec plusieurs jours de retard, voire dans certains cas près d’une semaine de délai, les protections promises par Emmanuel Macron le 16 mars lors de sa dernière allocution télévisée. Même dans les zones les plus touchées par le virus, la situation est parfois critique. «On avait une soixantaine de pharmacies qui n’avaient pas encore été livrées lundi sur le seul département de la Meurthe-et-Moselle, raconte René Paulus, responsable de l’Ordre des pharmaciens dans la région Grand Est. C’était complètement erratique : à Nancy par exemple, il y a huit pharmacies dans la ville, la moitié a été livrée, l’autre moitié, non. Les dernières pharmacies ont finalement été livrées mardi après-midi.»

Chaque jour est pourtant crucial dans ce département, collé au foyer épidémique alsacien, où près d’une centaine de patients sont hospitalisés en réanimation. La situation s’explique en grande partie par une décision prise dans la précipitation par la cellule de crise rattachée au ministère de la Santé dans la foulée de l’annonce présidentielle : le réseau de distribution classique des grossistes-répartiteurs de médicaments dans les pharmacies a été contourné. La livraison a été confiée par les autorités à Geodis, une filiale privée de la SNCF. Une entreprise dont le cœur de métier est bien la logistique, mais qui n’est pas du tout spécialiste du circuit pharmaceutique.

«Une livraison qu’ils n’avaient jamais réalisée»

Pour envoyer des masques partout en France aux nombreux personnels soignants, en dehors des hôpitaux, le gouvernement a fait le choix, depuis plusieurs semaines, de s’appuyer sur les 21 500 pharmacies françaises. Chaque officine reçoit un lot contingenté à distribuer aux différents professionnels désormais en première ligne face aux malades : médecins, infirmiers, aides-soignants. Une première livraison avait été organisée début mars par le réseau habituel des grossistes-répartiteurs. «Nous avions été sollicités par la cellule de crise pour la première dotation de 10 boîtes de masques par pharmacie d’officine. Nous avions utilisé la chaîne du médicament telle qu’elle fonctionne au quotidien, et 183 agences de grossistes-répartiteurs avaient été mobilisées : c’est un circuit sécurisé, encadré par le code de la santé publique», explique Laure Brenas, présidente du Conseil central C (distribution en gros) de l’Ordre national des pharmaciens, et dirigeante de l’entreprise CSP. Le deuxième arrivage, annoncé par Emmanuel Macron, a visiblement pris de court le ministère de la Santé. «Les grossistes-répartiteurs sont restés à disposition de la cellule de crise après la première livraison, poursuit Laure Brenas. Ils nous ont questionnés sur nos disponibilités pour la deuxième dotation, puis on a appris qu’ils avaient décidé de passer par Geodis, sans que nous ayons été consultés sur ce choix.»

Face aux retards de livraison, les pharmaciens ont fait face à la colère des personnels soignants démunis de protections. «Il a fallu qu’on leur dise qu’on n’avait pas reçu les masques, on a été suspectés de les garder pour nous, on a même parfois reçu des insultes, des menaces», s’émeut Pierre Béguerie, président du Conseil central des pharmaciens d’officine. «J’ai questionné toutes les pharmacies de mon réseau : sur les 2 800 pharmacies qui m’ont répondu, 50% n’avaient pas reçu de masques FFP2 [les masques de protection respiratoire, plus protecteurs que les masques chirurgicaux, ndlr] et 10% n’avaient rien reçu, ou des quantités dérisoires, et cela même dans des zones où le virus circule activement, regrette Gilles Bonnefond, à la tête de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine. L’Etat a demandé à Geodis une livraison qu’ils n’avaient jamais réalisée alors que les grossistes, eux, ont des fichiers à jour.» Un constat partagé par Pierre Béguerie : «C’est une société qui n’a pas l’habitude de livrer les pharmaciens : ils n’ont pas eu les bonnes listes d’officines, ou des listes incomplètes.»

«C’est le flou total»

Pour missionner Geodis, l’Etat s’est appuyé dans l’urgence sur un contrat-cadre entre l’organisme Santé publique France – qui dépend du ministère – et la filiale privée de la SNCF. Contacté, Geodis a refusé de répondre directement à nos questions, renvoyant la balle, à mots couverts, sur l’Etat. Dans une réponse envoyée par mail, via un communicant externe, l’entreprise explique que les «écarts entre les quantités attendues et les quantités livrées un jour donné» sont dus à la gestion des stocks par Santé publique France, «qui définit au quotidien les volumes à livrer». La livraison, prévue les 17 et 18 mars, s’est finalement étalée jusqu’au 24.

Pourquoi une telle décision a-t-elle été prise par les autorités ? Quelles ont été les conséquences précises sur le terrain ? Questionnée sur la situation, la Direction générale de la santé (DGS) se contente de faire valoir que Geodis effectue déjà «pour le compte de Santé publique France plusieurs missions, dont celle la chaîne d’approvisionnement en produits de santé», et nous renvoie, pour «plus d’informations»... vers Geodis lui-même (1).

Un conseiller de Matignon au cœur du dispositif de crise pointe la responsabilité du ministère la Santé sur ce choix de transporteur : «Est-il normal que les flux logistiques standards n’aient pas été utilisés ? Ce ministère n’est pas fait pour gérer cette crise, l’administration est dépassée. Historiquement, ce sont les armées qui prenaient le "lead" sur les fonctions vitales de l’Etat quand les administrations civiles ne pouvaient plus les assurer, elles ont ce savoir-faire que n’a pas le ministère de la Santé.»

Ces derniers jours, les représentants des pharmaciens ont tenté de joindre à plusieurs reprises la cellule de crise pour échanger sur la situation. Sans réponse. «Aujourd’hui, l’Ordre n’est au courant de rien, la profession n’est au courant de rien, s’énerve Pierre Béguerie. C’est le flou total, on a des annonces de production de quantités astronomiques de masques et parallèlement à ça, on ne nous tient pas au courant. Voilà la situation ubuesque dans laquelle nous sommes. Je n’arrive pas à comprendre.» Une nouvelle livraison de masques est prévue dans les jours à venir. Pour l’heure, impossible de savoir quel circuit de distribution l’Etat va utiliser.

 

(1). Article mis à jour après réception de la réponse de la DGS.

Ismaël Halissat

 

Article La Libération

https://www.liberation.fr/france/2020/03/25/masques-apres-la-debacle-des-stocks-les-errements-de-la-livraison_1783039

Pénurie de médicaments : une bombe sanitaire à retardement

Les professionnels de la répartition pharmaceutique* s'inquiètent des pénuries de médicaments en France et de la situation économique du secteur.

Voici leur tribune : "Le Premier ministre a réuni jeudi 19 septembre les industriels du médicament. La ministre des Solidarités et de la Santé a lancé les travaux ce lundi 23 septembre dans le cadre du "comité de pilotage chargé de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments". L'enjeu est majeur, tant la situation est inquiétante et qu'elle pourrait s'aggraver encore. Agir, c'est d'abord porter un regard lucide sur la réalité du terrain. Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le nombre de ruptures a été multiplié par vingt depuis dix ans.

Près d'un Français sur quatre s'est déjà vu refuser un médicament pour cause de rupture et une étude de France Assos Santé indique que 14% des Français déclarent avoir vu leurs symptômes augmenter, un sur vingt a dû être hospitalisé. Les projections de l'ANSM pour 2019 ne sont pas rassurantes : les médicaments "d'intérêt thérapeutique majeur" sont largement concernés, c'est-à-dire ceux pour lesquels le pronostic vital du patient est engagé en cas d'interruption de traitement, alors qu'il n'existe pas d'alternative thérapeutique.

Confrontés à ces réalités quotidiennes, nous, répartiteurs pharmaceutiques, sommes ceux qui agissent dans les territoires pour assurer aux patients le meilleur accès aux médicaments et limiter les impacts des tensions d'approvisionnement. Nos obligations de service public nous imposent de livrer les pharmacies de manière égale sur l'ensemble du territoire – de Paris à l'île d'Ouessant – en moins de vingt-quatre heures et de disposer, dans chacun de nos établissements, d'un stock correspondant à 15 jours de consommation habituelle. Au cœur de ce qui est souvent appelé "la chaîne du médicament", entre laboratoires et pharmacies, nous organisons une répartition harmonieuse des médicaments en fonction des besoins. Nous sommes les camionnettes qui livrent quotidiennement 6 millions de boîtes à plus de 21.000 officines françaises.

Forts de cette connaissance du terrain, nous participerons activement aux travaux du gouvernement et formulerons – comme nous l'avons toujours fait – des propositions concrètes visant à améliorer davantage encore la répartition et la gestion des stocks de médicaments pour mieux répondre aux besoins de chaque pharmacie. Encore une fois, nous serons les partenaires des pouvoirs publics, résolument engagés au service de l'accès à la santé pour tous.

La réponse à cet enjeu collectif ne doit pas pour autant occulter la difficulté que vit notre secteur aujourd'hui. Trop souvent considérés comme une variable d'ajustement, nous sommes confrontés depuis plusieurs années à une situation économique alarmante. Nous travaillons à perte! En effet, en raison d'une rémunération réglementée par l'État qui ne correspond plus aux coûts que nous devons supporter et d'une pression fiscale incohérente et excessive, notre profession est aujourd'hui asphyxiée. Si bien que nous ne pourrons bientôt plus remplir convenablement les missions de santé publique qui nous reviennent.

Cette situation n'est pas méconnue des pouvoirs publics. Conscient du danger, le gouvernement s'était engagé à l'Assemblée nationale le 25 octobre 2018 à aboutir à des solutions au cours du premier trimestre 2019. Même s'il y a eu des discussions, à ce jour, cet engagement pris devant la représentation nationale n'est pas tenu.

C'est donc un cri d'alerte que nous lançons aux pouvoirs publics, qui se montrent aujourd'hui mobilisés. Si aucune action n'est engagée, c'est l'affaiblissement durable de nos moyens d'action dont il sera question, avec le risque réel d'aggraver les conséquences pour les patients à chaque nouvelle rupture d'approvisionnement. Concrètement, nous ne serons plus en mesure de garantir l'approvisionnement quotidien des pharmacies. Ni une menace, ni un excès, juste une alerte, car c'est dans l'ADN de notre mission de service public de défendre l'égal accès aux médicaments sur tout le territoire et donc le bon fonctionnement de notre système de santé, auquel les Français sont profondément attachés. Ils ne peuvent être les victimes collatérales d'une situation économique dramatique.

Agir, c'est anticiper. Il n'est pas trop tard pour déminer ce qui constitue, de fait, une bombe à retardement pour la santé des patients en France."

* Les professionnels de la répartition pharmaceutique : Hubert Olivier (OCP Répartition), Olivier Bronchain (Cerp Rouen), Laurent Bendavid (Alliance Healthcare France), Jean Genge (Cerp Rhin-Rhône-Méditerranée), Jean Fabre (Phoenix Pharma), Dominique Lerouvillois (Cerp Bretagne-Atlantique), Philippe Becht (Giphar Groupe).

 

Article prit sur LE JOURNAL DU DIMANCHE

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